Une guerre des ressources
PLAN DE L’ARTICLE
Résumé
Introduction
Aux sources de la récente crise
A. Les FDLR, un épouvantail pour le régime de Kigali
B. La défense des Tutsis
Pauvreté, instinct de survie et conquête des ressources
A. Explosion de la misère
B. Appétits hégémonique
C. Créer la dépendance et tirer profit
Réformer l’armée, reprendre le contrôle de la situation
Conclusion
RESUME
Le présent article vise à expliquer pourquoi le Rwanda intervient toujours dans les conflits en République démocratique du Congo (RDC) depuis la prise du pouvoir par le Front Patriotique Rwandais (FPR) du Président Paul Kagame en 1994 après le génocide des tutsis et de hutus modérés dans ce pays. La propension belliqueuse du régime rwandais est ici explorée à partir de quelques faits notamment celui lié au prétexte de la sécurisation des frontières du Rwanda contre d’éventuelles attaques des rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ces ex-membres des Forces armées rwandaises se sont retrouvés en RDC (Ex-Zaïre) à la suite du génocide déclenché juste après l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana cette année-là. Un autre fait est lié aux soutiens du Rwanda à différents mouvements rebelles sur le territoire congolais en contrepartie desquels, ce pays a pu bénéficier de l’exploitation des minerais congolais. Le soutien du régime rwandais à l’actuelle offensive de la rébellion M23 lancée fin 2021 entre dans cette logique. Ainsi, la recherche de l’hégémonie dans la sous-région et la convoitise des ressources naturelles de la RDC sont, entre autres, les mobiles qui poussent le Rwanda de Paul Kagame à développer une stratégie agressive contre le Congo-Kinshasa.
INTRODUCTION
La situation sécuritaire est très critique dans la province du Nord-Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où, depuis novembre 2021, la rébellion du M23 (« Mouvement du 23 Mars ») s’est emparée de larges portions des territoires riches en minerais, et continue d’avancer malgré une feuille de route pour la paix conclue à Luanda, en Angola, en juillet 2022 et d’autres initiatives diplomatiques régionales et internationales.
L’offensive de ce mouvement a provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes, contraintes par les violences de quitter leurs villages et qui s’entassent dans des camps de fortune, des cours d’écoles ou d’églises. Ces déplacés sont dépourvus de tout.
La RDC accuse le Rwanda voisin et son président Paul Kagame de soutenir ces rebelles, ce qui est corroboré par les rapports des experts de l’ONU et des organisations internationales de défense des droits de l’homme. Les Etats-Unis et plusieurs pays occidentaux ont également conclu à un soutien sans équivoque du Rwanda aux rebelles du M23.
En plus de l’introduction et de la conclusion, la présente analyse portera sur trois grands points. Le premier point intitulé “Aux sources de la récente crise” portera sur les raisons immédiates de l’offensive du M23 dans le Nord-Kivu; le deuxième point “Pauvreté, instinct de survie et conquête des ressources” se penchera sur les motifs supposés et réels du soutien militaire de Kigali aux rebelles; le troisième et dernier point “Réformer l’armée, reprendre le contrôle de la situation” proposera de pistes de solutions pour une reprise de contrôle de la situation par le RDC.
AUX SOURCES DE LA RECENTE CRISE
Dans l’histoire récente de la région des Grands lacs, il est important de noter que l’instabilité qui règne dans l’est de la RDC remonte en 1994 avec le génocide des Tutsis et des Hutus modérés au Rwanda quand, à la demande de la communauté internationale, les autorités du Zaïre (ancien nom de la RDC) ont été obligé d’ouvrir un couloir humanitaire pour laisser entrer les fuyards de peur qu’il ne fassent massacrés par les nouveau maîtres des lieux.
Depuis, la région orientale de la RDC vit dans une instabilité chronique caractérisée par des massacres et tueries des civiles mais aussi des attaques contre les positions des Forces armées de la RDC (FARDC). Il faut par ailleurs nécessaire de noter que cette région troublée est riche en minerais tels que l’or, le coltan ou l’étain, alors que le Rwanda voisin est un petit État enclavé, doté de peu de ressources naturelles.
Aujourd’hui, il est difficile de dire avec exactitude combien de temps durera ce conflit qui commence à engager plusieurs pays de la sous-région notamment les pays membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (Kenya, Ouganda, Burundi, Sud Soudan, Rwanda et RDC). Cette organisation régionale a même déployé une force régionale dans le Nord-Kivu pour tenter de calmer le jeu sans résultat palpable jusqu’à présent.
En 2019, dans une certaine naïveté, le pouvoir de Kinshasa s’est rapproché de Kigali, avant de se rendre à l’évidence sur les velléités expansionnistes de ce régime, deux ans plus tard. C’est à ce moment justement, en novembre 2021 que la rébellion majoritairement tutsie du M23 a repris les armes, après près de dix ans d’exil au Rwanda et en Ouganda voisins, en reprochant à Kinshasa de ne pas avoir respecté des engagements sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants. Parmi leurs principales revendications figure également l’élimination des membres des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe fondé au Congo par d’anciens responsables du génocide des Tutsis et des Hutus modérés en 1994 au Rwanda.
Il faut dire qu’en novembre 202l, la RDC a lancé une opération militaire conjointe avec l’Ouganda dans la province du Nord-Kivu avant de l’étendre dans celle voisine de l’Ituri afin de lutter contre les Forces démocratiques alliées (ADF), une rébellion d’origine ougandaise et responsable des milliers de morts au Congo et des attentats en Ouganda. Kampala a aussi entrepris d’améliorer les infrastructures routières dans la région, offrant une alternative potentielle aux voies d’approvisionnement passant par le Rwanda. A la même époque, les autorités de Kinshasa ont aussi invité les troupes de l’armée du Burundi à venir combattre les groupes armés Red-Tabara et Forces nationales de libérations (FNL), deux rébellions burundaises dans la province du Sud-Kivu aux côtés des FARDC. Toutes ces opérations auraient été montées sans associer ni informer le Rwanda.
Ces décisions des autorités congolaises auraient réveillé la colère de Paul Kagame, selon des commentateurs. La coïncidence entre le lancement de ces opérations conjointes d’une part, et l’offensive de la rébellion M23 de l’autre, en dit long. Selon des responsables militaires congolais, cette action a pu contribuer à déclencher la crise et la colère de Kigali.
Le président rwandais lui-même ne s’en cache pas. Sa colère est évidente et il l’a clairement dit dans une interview publiée le 27 janvier par le magazine Jeune Afrique. Interrogé sur ces initiatives congolaises, M. Kagame a affirmé que : « L’idée d’associer les pays voisins, dont le Rwanda, à la résolution du problème des groupes armés est venue de nous et a été au cœur de nos discussions avec les autorités congolaises, à la fin de 2019 et au début de 2020. Le fait que Kinshasa ait décidé, finalement, de nous exclure signifie que le Congo n’a ni l’envie ni l’intention de résoudre le cas particulier des FDLR. La même logique reposant sur la mauvaise foi a présidé au veto de la RDC à la participation du Rwanda à la force régionale Est-Africaine sous direction kényane. Tant que le gouvernement congolais estimera qu’il peut gérer sans nous les FDLR il n’y aura pas de solution. » (Jeune Afrique du 27 janvier 2023).
Mais au sein de la société civile, des mouvements citoyens à l’instar de la « Lutte pour le changement (Lucha) » ont néanmoins dénoncé l’attitude de Kampala accusé de «complicité» avec Kigali. Ces derniers mois, les manifestations ont été organisées dans la ville de Goma (capitale du Nord-Kivu) non seulement contre le Rwanda, mais aussi contre l’Ouganda, appelant au départ des militaires ougandais accusé d’avoir fermé les yeux sur les M23, notamment quand ces derniers se sont emparés de la cité stratégique de Bunagana à la frontière ougandaise. Les combattants du M23 font aussi des allées et venues entre la RDC et l’Ouganda, d’après ces experts.
Dans cette interview au magazine Jeune Afrique, le chef de l’Etat rwandais Paul Kagame a expliqué, mieux justifié les raisons de la présence de militaires de l’armée rwandaise en RDC à savoir :
– La présence du groupe FDLR représenterait une menace pour son pays.
– La défense des Tutsis congolais menacé d’extermination.
FDLR, un épouvantail pour le régime de Kigali
Depuis que Paul Kagame dirige le Rwanda, Kigali a soutenu plusieurs rébellions sur le territoire congolais, notamment en 1998, 2004, 2007, 2012. Le M23 qui a refait surface en novembre 2021 est justement le dernier avatar des rébellions tutsies soutenues par ce pays, comme dit ci-haut.
Le chaos dans lequel est plongée la région congolaise du Kivu tire son origine dans la sauvagerie rwandaise. Paul Kagame le reconnaît, bien qu’en cherchant maladroitement à se présenter comme victime. Dans l’interview à Jeune Afrique, ci-haut évoquée, le président rwandais dit justement ceci : « L’est de la RDC est en état d’instabilité quasi permanent depuis 1994. À l’époque, près de 2 millions de Rwandais avaient fui le pays pour s’y réfugier. La majorité d’entre eux est, depuis, rentrée au Rwanda, mais une minorité est restée sur place, ce qui constitue encore aujourd’hui un facteur d’insécurité pour nous ». C’est cette conclusion qui étonne.
La poursuite des FDLR sur le territoire congolais est un prétexte du Rwanda dans sa visée guerrière portée par M. Kagame. Car, « dans tous les cas, les vrais FDRL sont en nombre insignifiant et ne présentent aucune menace crédible contre le Rwanda. En réalité, les motifs des agressions rwandaises sont avant tout d’ordre économique », comme soutient le politologue congolais Freddy Mulumba Babuayi wa Bondo dans une Tribune publiée le 6 février dans le Trihebdomadaire congolais EcoNews. Ce politologue et homme des médias y détaille «les vraies-fausses raisons de la présence de l’armée rwandaise sur le territoire congolais ».
La défense des Tutsis, un leurre
Pourtant, Kigali fait tout ce qui est à son pouvoir pour empêcher la « minorité » que représentent les membres du groupe FDLR de retourner au Rwanda. La présence de ces tutsis rwandais en RDC lui donne, selon son entendement, le droit de d’intervenir sur le sol congolais, il le dit sans détour : « L’accusation selon laquelle j’interviendrais au Congo m’importe peu, dit-il. Ce n’est ni la première ni la dernière. L’important est de savoir pourquoi j’interviendrais. Si vous ne vous posez pas cette question, vous passez à côté de l’essentiel. Or la réponse est simple : la menace que fait peser sur notre sécurité l’activité d’un groupe imprégné de l’idéologie génocidaire comme les FDLR est clairement susceptible de nous amener à intervenir en territoire congolais, sans excuses ni préavis. Quand vous êtes agressé, vous n’attendez pas les instructions de votre agresseur ou de son protecteur pour savoir comment réagir.»
Ces propos prouvent à suffisance l’attitude belliqueuse et des visées expansionnistes de ce dirigeant qui se comporte comme si la RDC était une colonie rwandaise. M. Kagame veut à tout prix avoir un droit de regard sur ce que fait ou se fait au Congo-Kinshasa.
PAUVRETE, INSTINCT DE SURVIE ET CONQUËTE DES RESSOURCES
Bien que sans ressources naturelles considérables ni une démographie impressionnante, avec une population d’environ 13 million d’habitants (2020) sur une superficie de 26.338 km2, le Rwanda possède néanmoins des terres vallonnées et fertiles. Cependant, Sarah Martens et Stefaan Marysse soutiennent que le nombre et le pourcentage de pauvres au Rwanda ont dramatiquement augmenté.
Explosion de la misère
Depuis 1985, où 45% de la population vivait en dessous du seuil de la pauvreté, la population est plongée davantage dans la misère, qui atteint aujourd’hui les deux tiers de la population. Si une grande partie de la pauvreté est structurelle, son augmentation, elle, est liée à des facteurs politiques de rivalités internes.
En effet, c’est la violence à partir de 1990 avec l’invasion du FPR à la base du génocide qui a causé le grand saut dans le chiffre de la pauvreté. Par contre, actuellement, le PIB par habitant s’est redressé après une contraction de 5,9 % en 2020 pour afficher une croissance de 7,4 % en 2021. L’inflation a reculé de 7,7 % en 2020 à 0,8 % en 2021, principalement en raison de la faiblesse des prix des denrées alimentaires. La politique monétaire est restée accommodante, et le taux directeur a été maintenu à 4,5 % de mai 2020 (pour soutenir la reprise économique) à février 2022, date à laquelle il a été porté à 5% (pour faire face aux pics d’inflation attendus). Le secteur financier est resté stable avec un ratio d’adéquation des fonds propres de 26,3 % en 2021.
Le déficit budgétaire est resté important, à 7,1 % en 2021, en raison des dépenses liées à la COVID-19, et a été financé par le produit de l’émission d’euro-obligations de 620 millions USD en août 2021 et par l’allocation de DTS de 219 millions USD (1,9 % du PIB et 12,8 % de ses réserves internationales brutes). Le déficit du compte courant s’est creusé, de 12,2 % du PIB en 2020 à 13,5 % du PIB en 2021, en raison de la hausse des prix du pétrole et de l’augmentation des importations de biens intermédiaires et de biens d’équipement.
Le franc rwandais a été relativement stable en 2021, baissant de 2,6 % par rapport au dollar. Le ratio dette/ PIB a augmenté, passant de 71,2 % en 2020 à 74,6 % en 2021. Le risque de surendettement reste modéré.
C’est en raison de cette situation de pauvreté que le Rwanda a adopté une politique de conquête des ressources naturelles (minerais) en RDC afin de maintenir son système politique à l’interne, c’est-à-dire, trouver les moyens financiers nécessaires non seulement pour entretenir son armée et tout son appareil répressif mais aussi pour payer d’autres fonctionnaires de l’Etat et développer le pays ; et à l’externe, se maintenir dans le concert de nations par la vente des ressources naturelles provenant de la RDC à certains Etats riches et/ ou industrialisés et avoir l’influence dans la sous-région de Grands Lacs.
Cette thèse est soutenue aussi bien par des acteurs sociaux locaux que par des responsables politiques nationaux congolais tel que le ministre de l’Industrie Julien Paluku qui soutient par exemple que : « Quand vous voyez l’armée rwandaise, aujourd’hui aller vers Kishishe (localité aujourd’hui sous contrôle du M23) ; c’est parce qu’on poursuit la Mine de SOMIKIVU qui détient le pyrochlore. Le pyrochlore c’est le minerai qui entre dans la fabrication des fusées et, c’est rechercher à travers le monde. C’est la mine de SOMIKIVU qu’on est en train de suivre, effectivement, là-bas et ; aller vers Masisi pour contrôler la mine de coltan parce que nous détenons 60% de réserve mondiale du coltan dans le Masisi. C’est particulièrement le pyrochlore et le coltan dans le Masisi qui fait l’enjeu de la guerre ».
A chaque intervention rwandaise en RDC, les territoires riches en minerais sont visés (Masisi, Nyiragongo, Rutshuru, etc), donnant lieu à un chaos organisé. Ce que le Rwanda n’a ni ne peut obtenir par voie normale, il l’obtient dans un cafouillage et par rébellion interposée. Ainsi, « toutes les mines de coltan situées dans l’Est de la RDC sont exploitées soit par des groupes armés soit par des armées étrangères ou des sociétés qu’ils contrôlent », note Freddy Mulumba, en citant James H. Smith dans The eyes of the word, mining the Digital age in the Eastern DR Congo, University of Chicago press, 2022.
Il n’est pas faux de dire qu’outre les tensions géopolitiques, les raisons économiques semblent être à la base de cette nouvelle agression rwandaise sous couvert de M23.
Selon ce politologue, le Rwanda et l’Ouganda ont financé leurs dépenses militaires grâce aux revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles de la RDC. Pour le Rwanda, selon les experts des Nations Unies, écrit-il, « 80% de l’ensemble des dépenses de l’Armée rwandaise étaient couvertes en 1999 par les revenus des pillages des minerais de la RDC faisant du Rwanda le premier exportateur de minerais de coltan » (EcoNews du 6 février 2023).
Appétits hégémoniques
Depuis 1994 donc, les incessants appétits hégémoniques et l’accumulation de la richesse à travers les ressources naturelles de la RDC du régime rwandais se manifestent fréquemment à travers des épisodes guerriers qu’il commandite à travers les mouvements ou groupes armés. Il lui arrive aussi de se lancer quelquefois dans une coopération interétatique avec la RDC dont il espère toujours tirer plus de profit que l’autre partie.
La stratégie prise par le Rwanda dans cette conquête des ressources naturelles (minerais) est double : mener des opérations militaires en RDC sous la casquette d’un groupe armé créé et financé par lui et/ou carrément infiltré le gouvernement congolais et parvenir à obtenir la signature des accords bilatéraux aux fins d’exploiter illicitement les minerais de ce pays dans des zones occupées. Dans le cas contraire, tirer profit des accords signés et bien négociés. C’est le cas de trois accords commerciaux signés en 2021 entre les présidents Félix Tshisekedi de la RDC et Paul Kagame du Rwanda.
Le premier accord porte sur la promotion et la protection des investissements entre les deux pays. Le deuxième est une convention en vue d’éviter la double imposition et prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu. Enfin le troisième c’est un protocole d’accord qui concerne l’exploitation de l’or impliquant ainsi la société congolaise aurifère (SAKIMA SA) et celle de la société rwandaise Dither LTD.
On note que les territoires de l’est de RDC en proie aux affrontements armés sont très riches en minerais. C’est les cas du Territoire de Masisi au Nord-Kivu et dans les hauts plateaux de Fizi et d’Uvira au Sud-Kivu où les groupes armés ont un lien direct avec le Rwanda.
Cependant, comme il est difficile, actuellement, d’envahir ouvertement et clairement une nation, ces mouvements armés sont devenus un pont pour permettre au Rwanda de matérialiser sa politique de la conquête des ressources naturelles (minerais) en RDC. Cette stratégie a permis au Rwanda de se faire une place non négligeable dans le concert des nations, en se positionnant sur l’échiquier international avec tous les mérites qui lui reviennent surtout dans le domaine de la gouvernance et du tourisme. Son économie est plus ou moins stable. De ce point de vue, le Rwanda est devenu une référence dans plusieurs domaines dont celui de la sécurité internationale pour ce pays qui envoie ses soldats combattre dans des missions de maintien de la paix en Afrique notamment.
Créer la dépendance et tirer profit
Les agglomérations congolaises situées à la frontière avec le Rwanda vivent dans la quasi dépendance de cet Etat. La situation d’insécurité ne permet pas aux citoyens habitants les périphéries des villes de Bukavu (Sud-Kivu) et de Goma (Nord-Kivu) de travailler dans leurs champs efficacement afin d’alimenter ces deux entités en vivres. Le Rwanda qui est pointé du doigt par les officiels congolais, comme étant le vecteur de l’insécurité dans la sous-région, en profite pour vendre ses produits aux congolais qui ne produisent plus grand chose. C’est le cas de la farine de maïs. Ce produit agricole provient le plus souvent du Rwanda tout comme les légumes, le lait de vaches, et d’autres produits de première nécessité.
De leur côté, Bacha, Massinissa; Aoudia, Lyes; Moussaoui, Ali soutiennent que le commerce extérieur constitue un des facteurs de la croissance économique d’une nation. C’est aussi un moyen qui met en relation plusieurs pays. Le commerce extérieur permet d’exporter le surplus enregistré, et d’importer des produits dont un pays a besoin. L’activité d’exportation est aujourd’hui devenue très importante pour toute entreprise de production.
En effet, l’exportation d’une entreprise contribue essentiellement à l’enrichissement et au développement économique et social de son pays d’origine mais aussi à accroître les bénéfices de ladite entreprise. Cette dernière va bénéficier de cette internationalisation à travers l’exportation de surplus de production, répartir les risques sur différents marchés, contrer les défensives commerciales du producteur étranger sur son propre terrain ou encore échapper à un marché interne devenu trop étroit.
Dans la situation actuelle entre la RDC et le Rwanda, il faut admettre que c’est Kigali qui sort gagnant. Non seulement en créant une situation de dépendance mais aussi en jouant sur sa notoriété au sein de la population congolaise.
Un commerçant congolais qui s’approvisionne régulièrement au Rwanda renseigne que : « Les produits qui viennent du Rwanda sont plus sûrs que ceux venus d’ailleurs parce qu’il y a de l’ordre au Rwanda. L’Etat contrôle sérieusement les produits avant de les livrer aux usagers. Par exemple, dit-il, il est difficile voire impossible de trouver un téléphone piraté dans les shop rwandais car, l’Etat veille à ça. C’est pourquoi, je préfère perdre mon transport Bukavu-Cyangugu pour acheter un article au Rwanda vu qu’il ne sera pas un produit périmé ».
La situation de troubles et de désordre en RDC, profite à plusieurs pays de la région qui trouvent en RDC un marché propice pour leurs économies. Le Rwanda n’est pas l’unique Etat qui en profite, il y a également l’Ouganda, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie qui tirent leur épingle du jeu en exportant vers la RDC les produits manufacturés ou encore la viande, la farine, les habits, etc.
REFORMER L’ARMEE, REPRENDRE LE CONTRÔLE DE LA SITUATION
De ce qui précède, il n’est pas faux de dire que le conflit actuel dans le Kivu est à la fois une guerre économique et d’influence menée par le Rwanda qui tient à tout prix garder sa mainmise sur les minerais stratégiques congolais. Kigali a réussi à vendre une bonne image de lui. Et cette posture peut justifier le traitement de faveur dont le Rwanda et ses dirigeants bénéficient de la part de certaines puissances occidentales.
Le Rwanda est aujourd’hui présenté comme un grand exportateur des minerais alors que ce pays ne compte d’importants gisements, ni de carrés miniers visibles.
Tout laisse croire que les minerais dont regorgent le sous-sol congolais et convoités par le Rwanda sont devenus le mobile de son intervention en RDC sous prétexte de vouloir combattre les FDLR et protéger les Tutsis présents sur le territoire congolais.
Pour prétendre détenir le monopole de l’usage légitime de la violence physique sur l’ensemble du territoire national, la République démocratique du Congo doit procéder à la réforme de son appareil répressif c’est-à-dire l’armée, la police, la justice, les services de renseignement ainsi que l’administration publique.
Cette réforme de l’armée doit être primordiale car, elle reste le seul instrument capable de remettre de l’ordre en son sein et de redonner au pays et à son peuple le respect qu’ils méritent dans le concert des nations. Pour ce faire, les responsables étatiques devraient commencer par mettre les militaires qui ne peuvent plus servir sous le drapeau à la retraite, enrôler des jeunes avec une garantie de servir la nation rien que la nation. A contrepartie, leur offrir des conditions socioprofessionnelles qui incitent à l’engagement. La création et/ ou la modernisation des écoles d’officiers, la lutte contre la corruption et la trahison au sein de cet appareil répressif de l’Etat devrait figurer en haut de la liste de cette réforme. Car si aujourd’hui l’est de la RDC, vaste pays riche en minerais et en ressources naturelles, est en proie à des dizaines de groupes armés, beaucoup de ces groupes sont un héritage des guerres soutenues par le Rwanda.
CONCLUSION
Intitulée : « Conflit RDC-Rwanda par M23 interposé : une guerre des ressources », le présent article a voulu expliquer les raisons de l’offensive lancée par la rébellion du M23 dans l’est de la RDC depuis fin 2021. Hormis l’introduction et la conclusion, la présente analyse a porté sur trois points principaux. Le premier point, “Aux sources de la récente crise” s’est focalisé sur les raisons immédiates de l’offensive du groupe rebelle M23 dans la province du Nord-Kivu; le deuxième, “Pauvreté, instinct de survie et conquête des ressources” s’est penché sur les motifs supposés et réels du soutien militaire du Rwanda aux M23; le dernier point, “Réformer l’armée, reprendre le contrôle de la situation” a proposé de pistes de solutions pour une reprise de contrôle de la situation par les autorités congolaise.
A travers cette analyse, il a été démontré que les raisons qui poussent le Rwanda à intervenir en RDC est d’ordre économique. Les minerais extraits en RDC, dans les territoires sous contrôle du M23 sont vendus aux multinationales afin de permettre à l’économie rwandaise de se stabiliser. Il existe des facteurs qui permettent au Rwanda d’acquérir les ressources de la RDC et qui favorisent son hégémonie en RDC, sont essentiellement d’ordre économique et sécuritaire. De ce point de vue, il a été démontré que l’insécurité causée par les groupes armés dont certains sous la bénédiction du Rwanda, comme les M23 ne permet pas aux habitants de ces zones occupées de travailler dans la quiétude afin de contribuer à l’éclosion d’une économie locale stable. Parmi les activités répertoriées figure l’agriculture. Ce fait pousse la population située dans les localités frontalières du Rwanda de s’approvisionner dans ce pays. Il a été recommandé au pouvoir de Kinshasa de procéder à la réforme de l’armée afin d’espérer rétablir l’autorité de l’Etat dans les zones sous influences rwandaises. Il est nécessaire d’avoir une armée capable de combattre et de protéger ses frontières contre les ennemis.
Néanmoins, même si le Rwanda ne se trouvait pas dans les conflits congolais, un autre Etat attaquerait la RDC. Pour les Etats, il n’y a pas d’amis mais, plutôt des intérêts, dit-on. Les énormes ressources dont regorge la RDC exposent ce pays aux diverses convoitises aussi bien de ses voisins que des puissances étrangères. Le gouvernement congolais devrait cesser de pleurnicher à chaque fois qu’il est attaqué mais plutôt travailler pour réorganiser son armée, son administration et sa justice pour protéger son territoire et son peuple.
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